• Le deuxième Têt du village Ước Lễ : une tradition entre gastronomie et retrouvailles
  • Le deuxième Têt du village Ước Lễ : une tradition entre gastronomie et retrouvailles

  • Mis à jour le 14 Feb, 2025       Par: Thuy Van NGUYEN

Chaque année, les 14 et 15 du premier mois lunaire, le village d’Ước Lễ, situé dans le district de Thanh Oai à Hanoï, revêt une atmosphère de fête. Alors que dans le reste du pays, les festivités du Nouvel An vietnamien se sont déjà achevées, ici, la tradition veut que l’on célèbre un « second Têt », permettant aux habitants expatriés de se retrouver en famille.

Cette coutume, profondément ancrée dans l’histoire du village, s’explique par son activité emblématique : la fabrication du giò chả, ces savoureuses charcuteries vietnamiennes à base de porc, qui ont fait la renommée d’Ước Lễ depuis plus de 500 ans.

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Une tradition née d’un métier exigeant

Ước Lễ est connu dans tout le Vietnam comme le berceau du giò chả, ces spécialités de charcuterie vietnamienne, notamment le giò lụa (pâté de porc à la vapeur) et le chả quế (pâté de porc grillé à la cannelle). Pendant des générations, les familles du village ont transmis leur savoir-faire, approvisionnant les marchés et restaurants de tout le pays.

L'espace reconstitué de l'ancien marché du village d’Ước Lễ. Source : vnexpress

La réputation a son prix : la demande en giò chả atteint son apogée pendant le Têt Nguyên Dán, période où toutes les familles vietnamiennes préparent des repas de fête. Pour les artisans d’Uoc Lê, cette période est donc synonyme de travail intense. Beaucoup ne peuvent rentrer chez eux que tard dans la nuit du 30 du mois lunaire, voire après le Nouvel An.

D’autres, installés dans le Sud du pays ou à l’étranger, n’ont parfois pas la possibilité de revenir à temps pour célébrer le Têt en famille. Face à cette réalité, les habitants ont instauré une seconde célébration, permettant à ceux qui ne pouvaient pas être présents le jour du Nouvel An de revivre l’ambiance festive et de partager un moment de retrouvailles avec leurs proches.

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Un marché traditionnel pour revivre l’esprit d’antan

Cette année, le village a donné un nouvel élan à sa fête en organisant pour la première fois un marché traditionnel, recréant l’ambiance des foires d’antan. Sur la place centrale, des étals en bambou exposent les spécialités locales, allant du giò lụa au cha bò, en passant par des variantes plus modernes comme le nem chua rán, prisé par les jeunes.

L'école primaire initie les élèves à la préservation du patrimoine en leur faisant découvrir le marché ancien du village. Source : vnexpress

Selon le responsable de l’organisation du marché, l’objectif est avant tout culturel. « Nous voulons offrir aux visiteurs une immersion dans nos traditions et partager l’histoire du village. Ce marché est un moyen de transmettre notre héritage tout en permettant aux touristes et aux jeunes générations de découvrir nos produits sous un nouveau jour. », a partagé le responsable. 

Par le passé, un marché informel existait déjà lors du second Têt, mais il était moins structuré. Désormais, chaque étal est soigneusement décoré, rendant l’expérience plus immersive et attrayante pour les visiteurs.

Un moment de fierté pour les familles du village

Les festivités du second Têt ne se limitent pas à la dégustation de spécialités culinaires. Pour les familles d’Uoc Lê, ce jour est aussi un moment de réunion et de fierté. Dans chaque maison, de grands banquets sont dressés, rassemblant famille, amis et parfois même des visiteurs venus de loin.

L'événement tente d'attirer les visiteurs pour découvrir, vivre et faire des achats directement au village.La tradition veut que plus une famille accueille d’invités, plus elle est perçue comme prospère. Nguyễn Thị Thu Hương, installée à Hanoï mais originaire du village, raconte : « Cela fait 34 ans que je célèbre ce second Têt en famille. Chaque année, l’ambiance est toujours aussi chaleureuse. Si le 15 du mois lunaire tombe un week-end, alors le village est encore plus animé. »

Après 9h, les routes menant au village se remplissent de visiteurs revenant de loin.

Dans certains foyers, les repas peuvent compter jusqu’à 40 plateaux de nourriture, même si cette année, certaines familles ont réduit l’ampleur des célébrations en raison de deuils récents. L’école primaire du village a également saisi l’occasion pour organiser des visites éducatives, permettant aux enfants d’en apprendre davantage sur le patrimoine culinaire et artisanal de leur région.

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Un temps de recueillement à la pagode Sô

Au-delà des festivités, ce second Têt est aussi un moment de spiritualité et de mémoire. Les habitants d’Uoc Lê se rendent en nombre à la pagode Sô un temple bouddhiste vieux de près de 500 ans, pour y prier pour la prospérité et la paix. Construite sous la dynastie des Mạc au XVIe siècle, la pagode conserve encore de nombreux éléments architecturaux d’origine, notamment de vieilles pierres sculptées représentant des dragons, témoins de son passé historique.

La pagode est âgée de près de 500 ans. Pour certaines familles, cette journée est également l’occasion de rendre hommage à leurs ancêtres. Près du temple, un cimetière abrite les tombes de plusieurs générations de villageois.

De nombreuses familles, qui n’ont pas pu venir durant le Nouvel An, se rendent alors sur les tombes de leurs proches pour un rite de nettoyage et d’offrandes, appelé tảo mộ.

Les habitants du village se rassemblent à la pagode Sổ lors de la pleine lune du premier mois lunaire pour prier pour la chance et la paix.
Bien que la réputation d’Uoc Lê soit solidement établie, le village ne compte aujourd’hui plus qu’une dizaine de foyers perpétuant l’art du giò chả sur place. La majorité des artisans ont choisi de s’installer en ville, plus proche des marchés et des clients.

Conscients de cette évolution, de nombreux villageois espèrent que le développement de ces festivités et du marché traditionnel attirera davantage de visiteurs. À terme, ils aimeraient faire d’Uoc Lê un lieu incontournable pour les amateurs de gastronomie vietnamienne, où l’on pourrait non seulement déguster du giò chả, mais aussi en apprendre davantage sur son mode de fabrication.

Les villageois y célèbrent des rituels pour la paix et la prospérité.

Dès 9h du matin, les routes menant au village se remplissent de visiteurs venus de loin. Selon le président du conseil des natifs d’Uoc Lê à Hanoï, la journée du 14 est plus intime, réservée aux habitants et aux rituels familiaux. Le 15, en revanche, le village s’anime pleinement, avec l’arrivée des visiteurs extérieurs, invités par les locaux à découvrir cette tradition unique.

Une famille de Hanoï se recueille sur la tombe d’un proche au cimetière près de la pagode Sổ.Vers midi, le village atteint son pic d’effervescence, avant que la foule ne commence à se disperser en fin d’après-midi. Peu à peu, les rues retrouvent leur quiétude, et le village s’endort à nouveau, attendant son prochain grand rendez-vous, un an plus tard.

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Avant de rejoindre Authentik Vietnam en tant que créatrice de contenu pour le marketing, Nina a consacré plus de 15 ans de sa vie au journalisme. Elle a travaillé comme reporter et rédactrice-animatrice à VOV5, la section française de la radio nationale Voix du Vietnam. Cette expérience lui a permis d'entrer régulièrement en contact avec les auditeurs francophones et d'écouter leurs sentiments à propos du Vietnam, ce qui l'aide aujourd'hui dans la création de nouveaux contenus pour le tourisme.

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