Bún riêu cua, une madeleine de Proust au cœur de Hanoï
- Mis à jour le 20 Nov, 2024 Par: Thuy Van NGUYEN
Il est rare de trouver de belles pages littéraires consacrées au bún riêu cua (soupe de nouilles au crabe) dans les écrits des fins gourmets d’autrefois, tels que Thach Lam ou Vu Bang, qui ont si poétiquement célébré le phở, les bánh cuốn ou encore le bún thang. Pourtant, bien que ce plat ait été quelque peu éclipsé par ses illustres cousins culinaires, il s’affirme aujourd’hui comme l’une des gourmandises les plus prisées de Hanoï. Le témoignage de cette popularité réside dans une scène singulière : dès le premier jour du Têt, ce mets est ardemment recherché par les amateurs de saveurs authentiques. Les bols de bún riêu cua s’arrachent à prix d’or – jusqu’à plusieurs centaines de milliers de dongs, sans que cela ne freine l’enthousiasme d’une clientèle toujours fidèle et nombreuse.
Un Bún riêu cua authentique de Hanoï
Le bún riêu est un plat traditionnel vietnamien originaire du Delta du Fleuve Rouge, où les crabes d'eau douce abondent dans les rizières. Cette spécialité ancestrale fait partie intégrante de la cuisine du Nord du Vietnam et continue de séduire les palais locaux et étrangers. Le bún riêu cua typique de Hanoi se distingue par sa couleur orange vif, due aux morceaux de crabe haché grossièrement, et par son goût acidulé caractéristique, obtenu grâce au dấm bỗng (vinaigre de riz) et aux tomates. Pour obtenir le bouillon parfait, les cuisiniers utilisent des crabes soigneusement sélectionnés, qu'ils pèsent et hachent finement avant de les filtrer pour obtenir un bouillon clair et savoureux. L'ajout de dấm bỗng est crucial pour l'équilibre des saveurs et chaque vendeur de bún riêu cua garde jalousement ses secrets de fabrication pour attirer les clients fidèles.
Le bún riêu cua se déguste généralement avec des condiments comme un assortiment de légumes frais tels que les bananes tranchées, la laitue, le basilic, et surtout les liserons d'eau effilé en longueur. L'ajout de mắm tôm, une pâte de crevettes fermentée, intensifie encore le goût de ce plat déjà riche en saveurs. Dans chaque bol de bún riêu cua, les couleurs s'entrelacent : le orange vif des morceaux de crabe, le vert tendre des oignons nouveaux, le rouge éclatant des tomates, accompagnés de quelques morceaux de tofu frit et d'une touche de mắm tôm, créant un véritable festival visuel et gustatif.
Accompagnant le bol de bún riêu, une assiette de légumes frais est un complément incontournable, avec une variété de salades, de basilics et de menthes. En particulier, les bananes tranchées et les liserons d'eau effilé en longueur sont des éléments essentiels pour apprécier pleinement ce plat vietnamien authentique.
Souvenir d'un Hanoi d'antan : L'incontournable Bún riêu cua
À Hanoi, il est difficile de ne pas succomber à l'odeur alléchante d’un bol de bún riêu cua qui se dégage de l’une des petites échoppes où la vapeur s’échappe en volutes d’un chaudron bouillonnant. Qu’il fasse chaud ou froid, ce plat, apprécié toute l'année, est un incontournable de la cuisine locale. Lors des journées d'été brûlantes, le bún riêu cua, avec son goût acidulé et rafraîchissant, offre une pause bienfaisante. Mais, même en hiver, sa chaleur enveloppante et son goût subtil réchauffent le cœur.
Le bún riêu cua traditionnel de Hanoï se distingue par la transparence de son bouillon, préparé à partir de crabes d'eau douce locaux. Autrefois, la préparation de ce plat reposait sur une technique précise et délicate : les vendeurs utilisaient des crabes choisis avec soin, qu'ils écrasaient puis filtraient pour obtenir un bouillon clair, exhalant une fragrance délicate. Quelques morceaux de tomates coupées en quartiers étaient ajoutés pour renforcer l'arôme, créant un parfum subtil et envoûtant à chaque ouverture de la marmite. Cette technique permettait de préserver la pureté du goût du crabe, tout en équilibrant la saveur du bouillon avec l’acidité douce du vinaigre de riz traditionnel, appelé "dấm bỗng".
Au fil des années, bien que les recettes aient évolué, l’essence même du bún riêu est restée inchangée : un plat simple, sans fioritures, mais d'une grande richesse en saveurs. À l’origine, le bún riêu cua se composait uniquement de nouilles de riz, de bouillon de crabe et de quelques morceaux de gâteaux de tofu frits. Il n’y avait pas d'ajout extravagant, ce qui le rendait particulièrement populaire auprès des habitants de Hanoi, appréciant sa simplicité et sa légèreté.
Dans les années 80, pendant la période de pénurie alimentaire du Vietnam, le bún riêu cua était une solution pratique et abordable. À une époque où la viande était rare et chère, le crabe était une ressource plus accessible. Dans les marchés, les marchandes proposaient des crabes frais, souvent enfilés sur des tiges de bambou, suspendus et transportés sur les marchés locaux. L'essence du plat reposait sur la fraîcheur de ces crabes, choisis pour leur texture ferme et leur goût délicat. Après avoir été soigneusement nettoyés, ils étaient broyés pour en extraire la chair et le jus, avant de les faire bouillir jusqu'à ce que le "riêu" (morceaux de chair de crabe) se forme en petites bouchées distinctes à la surface du bouillon.
Le secret du succès de ce plat réside dans l’utilisation du "dấm bỗng", un vinaigre de riz traditionnel qui, non seulement ajoute de l’acidité, mais qui se marie parfaitement avec l’arôme du crabe. Le goût de ce vinaigre est légèrement alcoolisé et aide à neutraliser l’odeur parfois forte du crabe, créant un équilibre délicat et une richesse de saveurs qui se fondent en harmonie.
Même si la recette reste fidèle à ses origines, le bún riêu cua demeure un plat humble, mais qui reflète l'âme de la cuisine de Hanoi : une cuisine qui valorise la simplicité, la fraîcheur des ingrédients et l'amour du détail. À chaque bouchée, les visiteurs découvrent non seulement une saveur unique, mais aussi un petit morceau d’histoire, un témoignage du passé de Hanoi, et de l’ingéniosité des cuisiniers locaux qui perpétuent ce savoir-faire ancestral.
L'évolution du bún riêu cua : De la simplicité à une spécialité prisée dans le monde entier
Aujourd'hui, le bún riêu cua, une soupe traditionnelle vietnamienne à base de crabe, est apprécié non seulement au Vietnam, mais aussi à l'échelle internationale, notamment par les voyageurs occidentaux. Toutefois, bien que ce plat soit synonyme de saveurs authentiques, il a subi plusieurs transformations au fil des années, passant d’un mets simple et modeste à une version plus riche et variée, adaptée aux goûts modernes.
Un plat modeste qui se réinvente
Autrefois, le bún riêu cua était simple, souvent servi avec du crabe de rivière, du tofu et un bouillon à base de viande de porc, principalement consommé au petit-déjeuner. Sa simplicité et sa légèreté en faisaient un repas idéal pour débuter la journée sans surcharger l’estomac. Au fil du temps, les vendeurs ont enrichi la recette pour satisfaire des goûts plus variés. Aujourd’hui, on y ajoute de nombreux ingrédients comme du crabe avec des œufs, des pieds de porc, des côtes de porc, ou encore du bœuf. Cette évolution a rendu le plat plus copieux et sophistiqué, tout en le rendant moins « populaire » et plus adapté à des palais recherchant des saveurs plus intenses et plus variées.
Récemment, le bún riêu cua a été classé parmi les « 100 meilleurs plats à base de crustacés » du monde par le site culinaire Taste Atlas, où il a obtenu une note de 4,1/5. Cette reconnaissance internationale souligne la popularité croissante de ce plat auprès des gourmets du monde entier. Le bún riêu cua séduit grâce à son bouillon délicat, parfumé à la tomate et aux herbes fraîches, et son crabe doux qui contraste avec les saveurs riches de la viande et du tofu.
Les variantes régionales et les influences modernes
Les variantes régionales du bún riêu sont nombreuses. Dans le Sud du Vietnam, où le crabe de rivière est moins couramment disponible, des chefs ont opté pour des substituts comme les crevettes séchées pour créer le bún riêu tôm khô, une version tout aussi savoureuse et distincte. À Hô Chi Minh-Ville, une petite échoppe de quartier, active depuis plus de 50 ans, sert ainsi un bún riêu tôm khô, enrichi de morceaux de viande de porc, de tofu frit et d'autres garnitures comme le chả lụa (saucisse vietnamienne) ou le chả quế (saucisse de viande de porc parfumée à la cannelle).
Le journaliste australien Ben Groundwater, auteur et chroniqueur de voyage, a récemment salué ce plat vietnamien dans le Sydney Morning Herald. Il décrit le bún riêu cua comme un mélange de saveurs délicates mais intenses, avec des morceaux de viande, du tofu frit et des légumes frais. Il souligne également que, bien que chaque région du Vietnam propose sa propre version du bún riêu, les ingrédients de base restent les mêmes, à savoir le crabe, le bouillon de porc, et une variété de garnitures qui font de ce plat un réconfort pour le palais à tout moment de la journée.
L'attrait du bún riêu dépasse désormais les frontières du Vietnam. Des restaurants vietnamiens en Australie, comme Phở Sông Hương à Bankstown (Sydney) ou Bun Cha Co Dao à Footscray (Melbourne), proposent leur propre version de ce plat aux Australiens friands de cuisine asiatique.
En 2023, Max McFarlin, un blogueur gastronomique américain, a également exprimé son enthousiasme pour le bún riêu tôm qu'il a dégusté à Hô Chi Minh-Ville. Il a été particulièrement impressionné par la légèreté du bouillon, infusé du goût subtil des crevettes séchées, un contraste marqué avec les versions plus lourdes qu’il avait goûtées auparavant à Hanoi.
Recette simple de Bún riêu cua à la maison
À travers les décennies, le bún riêu cua a su évoluer tout en conservant son âme, une âme qui touche toujours les cœurs des locaux et des voyageurs. Que ce soit à Hanoï, à Hô Chi Minh-Ville, ou même à l'autre bout du monde, ce plat emblématique du Vietnam continue de conquérir les papilles avec ses saveurs simples, mais d'une grande richesse. Voici une recette facile pour préparer ce plat à la maison.
Ingrédients :
- 300 g de crabe d’eau douce haché
- 1 kg de nouilles de riz fraîches
- 3 tomates
- 2 morceaux de tofu
- 2 oignons secs
- 2 à 3 cuillères à soupe de pâte de crevettes (mắm tôm)
- 1 cuillère à soupe d’huile végétale
- 1 cuillère à soupe de saindoux (ou d’huile de porc)
Épices : sel, sucre, bouillon en poudre, poivre
Herbes fraîches : cresson, germes de soja, laitue, feuilles de perilla, menthe vietnamienne
Préparation :
- Étape 1 : Préparer la pâte de crabe
Filtrez la pâte de crabe d’eau douce moulue pour en extraire l’essence, en éliminant les résidus solides. Laissez reposer environ 30 minutes pour que la chair de crabe se dépose au fond.
Récupérez l’eau claire, ajoutez une pincée de sel, remuez délicatement, puis portez à ébullition à feu doux pour permettre à la chair de crabe de se solidifier.
- Étape 2 : Préparer le bouillon de riêu
Faites revenir des échalotes hachées dans du saindoux ou de l’huile jusqu’à ce qu’elles soient dorées et parfumées. Ajoutez les tomates coupées en quartiers et faites-les revenir jusqu’à ce qu’elles soient tendres.
Versez le bouillon de crabe filtré dans la casserole. Assaisonnez avec de la pâte de crevettes fermentées (mắm tôm), du sel, du sucre et des granulés de bouillon selon votre goût. Portez à ébullition, puis réduisez à feu doux.
Incorporez un œuf battu au mélange, en remuant doucement pour épaissir légèrement le bouillon.
- Étape 3 : Faire frire le tofu
Coupez le tofu en petits cubes et faites-les frire jusqu’à ce qu’ils soient dorés et croustillants.
- Étape 4 : Préparer les nouilles et les légumes frais
Ébouillantez rapidement les nouilles de riz, égouttez-les et réservez.
Lavez soigneusement les légumes frais (liseron d’eau, laitue, pousses de soja, perilla, menthe vietnamienne) et laissez-les s’égoutter.
- Étape 5 : Assemblage du plat
Disposez les nouilles dans un bol, ajoutez les morceaux de tofu frit, la chair de crabe solidifiée et arrosez généreusement avec le bouillon chaud.
Saupoudrez d’échalotes frites et d’herbes aromatiques (perilla, menthe vietnamienne) pour parfumer.
Servez accompagné de légumes frais et d’une petite quantité de pâte de crevettes fermentées ou de sauce de poisson relevée de piment, selon les préférences.
- Conseils supplémentaires
Lors de la cuisson du bouillon de crabe, remuez doucement pour éviter de casser la chair qui s’agglomère.
Choisissez une pâte de crevettes fermentées de qualité et diluez-la légèrement avant de l’ajouter pour éviter un goût trop salé.
Adaptez les légumes frais en fonction des goûts et des spécialités régionales.
Le bún riêu cua est un plat à la fois rafraîchissant et équilibré, combinant la douceur subtile du crabe d’eau douce, l’acidité légère des tomates, et l’arôme puissant de la pâte de crevettes fermentées. Ce mets, aussi nourrissant que savoureux, est parfait pour toutes les occasions, du petit-déjeuner au dîner.
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