
Cholon, une ville cachée dans la ville
- Mis à jour le 19 Mai, 2025 Par: Thuy Van NGUYEN
Il faut parfois sortir des cartes pour retrouver le goût de l’inconnu. À Saigon, ce goût porte un nom ancien : Cholon.
Un matin où tout bascule
Personne ne lui avait vraiment dit à quoi s’attendre. On parlait bien d’un quartier chinois, de marchés animés, de temples parfumés d’encens. Des mots trop usés pour dire l’essentiel. Ce matin-là, dans une lumière de velours, il s'était laissé porter jusqu’à la rue Trieu Quang Phuc, dans le 5e arrondissement de Hô Chi Minh-Ville.
Là, une femme âgée battait ses cartes comme on battrait le rappel d’un vieux monde. Une vapeur de soupe s’échappait d’une ruelle latérale. Le bitume était encore luisant de la nuit. Et quelque chose, un détail peut-être, un parfum de bois fumé, le fit s’arrêter.
Il venait d’entrer à Cholon, sans guide ni pancarte, comme on franchit un seuil invisible.
Cholon : ni quartier, ni attraction, mais monde en soi
Le mot "Cholon" signifie littéralement grand marché en vietnamien, mais ce que l’on trouve ici ne se mesure pas en mètres carrés ni en étals colorés. Ce qu’on touche à Cholon, c’est la trace persistante d’une mémoire chinoise, vivante, incorporée au cœur du sud du Vietnam.
Dès l’aube, les murs de Cholon transpirent quelque chose de plus ancien que la ville elle-même. Les enseignes aux sinogrammes effacés, les tuiles vertes sur les toits pointus, les rideaux de fer qu’on soulève à la main – tout semble issu d’un autre siècle, mais rien n’est figé.
Les rues, elles, respirent.
La rumeur des motos ne couvre pas les autres sons : le frottement des balais sur les trottoirs, les sabots des porteurs, les voix des commerçants qui lancent leurs appels dans une langue au rythme vif, souvent le teochew ou le cantonais. Un accent particulier flotte dans l’air, une musicalité familière et pourtant intraduisible. Parfois, une vieille chanson sort d’un haut-parleur poussiéreux, une romance chinoise des années 1950, grésillante, sublime.
Les couleurs à Cholon ne sont jamais franches. Elles sont patinées, comme si le soleil les avait mordu chaque jour pendant cent ans. Les rouges sont rouillés, les verts s’écaillent, les ors sont mats. Pourtant, l’ensemble est vibrant. Les lanternes de soie flottent au-dessus des ruelles comme des souvenirs suspendus. Les fresques peintes sur les murs des temples racontent des récits de dieux voyageurs, de déesses protectrices, de dragons célestes.
La texture du quartier, elle aussi, est une histoire à elle seule : la rugosité des pierres des pagodes, la douceur lustrée des autels en bois laqué, les perles d’eau sur les feuilles de lotus au bord des bassins, le sable chaud sous les semelles dans les cours intérieures. Rien n’est lisse, rien n’est purement décoratif. Tout est usé, touché, vécu.
Odeurs de vie, parfums d’ailleurs
Il faudrait un vocabulaire infini pour décrire les odeurs de Cholon. À chaque coin de rue, elles changent, se croisent, se heurtent, puis s’enlacent :
- L’encens qui s’élève en volutes fines des temples, dense, enveloppant.
- Le canard laqué qui caramélise lentement dans les vitrines des rôtisseries, accroché par le cou comme une œuvre d’art.
- Le gingembre râpé, le thé jasmin brûlant, les litchis fermentés dans les bocaux.
- Et parfois, la poussière chaude des livres anciens, dans une échoppe oubliée.
Ces odeurs racontent une histoire collective. Elles forment une bibliothèque olfactive, un patrimoine invisible mais tenace. Un enfant né à Cholon peut reconnaître les jours fériés à l’odeur de la rue, sans même ouvrir les yeux.
Une journée à Cholon : l’autre visage de Saigon
Il existe, au cœur de la mégapole du sud du Vietnam, un quartier où les heures ne s’écoulent pas tout à fait de la même manière. Un lieu où l’histoire murmure à chaque carrefour, où l’encens guide les pas, et où les papilles se souviennent longtemps. Bienvenue à Cholon, dans le 5ᵉ arrondissement de Saigon.
Matin – Trieu Quang Phuc, l’éveil des anciens mondes
Le jour n’est pas encore levé que les rideaux métalliques crissent sur les échoppes, que les tasses de thé fumant s’alignent sur les tables basses en plastique, et que les premières offrandes aux ancêtres trouvent leur place sur les autels de rue.
Le promeneur matinal commence sa visite par la rue Trieu Quang Phuc, artère discrète mais symbolique de la mémoire chinoise de Cholon. C’est ici que l’on entend encore parler cantonais ou teochew au coin des ruelles, entre deux parties de mahjong ou dans l’échange quotidien entre marchands.
L’ambiance y est paisible, presque cérémoniale. Les odeurs de soupe wonton se mêlent à la fumée des bâtonnets d’encens, et les gestes des habitants, précis et silencieux, donnent à la rue une densité qu’aucune carte ne saurait rendre.
Milieu de matinée – Le marché Bình Tây, artère de vie
Quelques pas de là, le marché Bình Tây s’éveille dans un bruissement de balances et de voix basses. Construit dans les années 1920, ce marché emblématique ne ressemble à aucun autre à Saigon. Sous son horloge de style colonial et ses toits à la chinoise, on ne vend pas seulement des produits. On partage une culture, un rythme, une mémoire.
Les allées débordent de fruits tropicaux, d’épices en vrac, de racines médicinales, de soieries entassées, de vaisselle chinoise ébréchée. Un thé oolong servi par un vieil homme, une bouchée de gâteaux de lune glissée dans une main curieuse : tout ici suggère la transmission plus que la transaction.
Midi – Pagodes et spiritualité silencieuse
En quittant le marché, on suit la rue Nguyễn Trãi vers la pagode Thiên Hau, dédiée à la déesse de la mer, protectrice des marins et des commerçants. Ce lieu est un havre de silence et de volutes d’encens, où les générations se succèdent dans une même prière murmurée.
Les spirales d'encens suspendues brûlent lentement au plafond. Les fidèles viennent y déposer des offrandes, des vœux, des billets votifs, dans un geste quotidien d’une douceur bouleversante.
Un peu plus loin, les pagodes Quan Âm et Nghia An Hoi Quan offrent une diversité d’architectures et de cultes, toutes liées à la diaspora chinoise arrivée au XVIIIᵉ siècle. Chaque temple est un monde, à explorer sans hâte.
Après-midi – Herboristeries, calligraphie et artisanat
Dans la rue Lương Nhữ Học, on découvre l’univers des herboristeries traditionnelles chinoises. Racines, écorces, champignons, élixirs aux noms mystérieux s’alignent dans des bocaux poussiéreux. Les herboristes vous observent attentivement avant de composer un remède ou simplement raconter une histoire.
Plus loin, de petites boutiques exposent des pinceaux de calligraphie, du papier de riz, des objets rituels ou des amulettes rouges que l’on accroche aux seuils pour protéger la maison. C’est tout un art de vivre, une esthétique lente et symbolique, que Cholon continue de faire vivre au quotidien.
Soir – Saveurs du Sud et festins du Nord
À la tombée du jour, Cholon s’éclaire d’une autre manière. Les devantures s’illuminent de néons aux caractères chinois. La rue Nguyễn Trãi devient une scène gastronomique. On s’installe sur un tabouret, au bord du trottoir, et on commande des canards laqués croustillants, des bols de nouilles au porc rôti, des dimsums vapeur, des soupes aux raviolis, ou du tofu frit à la sauce sucrée-salée.
Les saveurs de Guangdong, du Fujian ou du Yunnan se rencontrent et fusionnent avec celles du Sud Vietnam, dans une cuisine de la mémoire autant que du plaisir.
Et vous, que chercherez-vous à Cholon ?
Une photo pour votre collection ?
Un plat typique à partager sur les réseaux ?
Un temple à cocher sur une liste déjà trop longue ?
Ou bien autre chose…
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