Thich Nhat Hanh : les années « d'engagement » d’un bouddhiste vietnamien militant pour la paix

Thich Nhat Hanh, le maître zen a introduit le concept de « bouddhisme engagé » et toute sa vie a travaillé sans relâche pour appeler à la paix et apporter le bouddhisme vietnamien au monde. 

Le maître zen Thich Nhat Hanh est né en 1926 à Thua Thien - Hue avec le nom de naissance Nguyen Xuan Bao. Quand il avait quatre ans, selon les archives de la Sangha du Village des Pruniers, son père a été envoyé dans la région montagneuse du nord de la province de Thanh Hoa pour superviser le défrichement des forêts afin de créer des terres agricoles pour les agriculteurs pauvres. Un an plus tard, toute sa famille s'y est installée pour vivre avec son père. Il s'est fait des études dans les écoles locales. Etant studieux, en dehors des horaires scolaires, Xuan Bao a également étudié la langue nationale, le français et l’ancien chinois. 

Dès son plus jeune âge, il était très intéressé par la lecture de livres bouddhistes ou de journaux que son frère rapportait à la maison. Plus tard, dans de nombreux entretiens sur le Dharma, le maître zen a souvent rappelé un moment très important, lorsqu'il avait neuf ans. À ce moment-là, il a vu l'image de Bouddha sur la couverture d'un magazine. L'image de Bouddha assis paisiblement sur l'herbe avec un sourire compatissant captura l'esprit du garçon et laissa une profonde impression de paix et de tranquillité.

Cette image contrastait avec la souffrance et l'injustice qu'il voyait autour de lui lors de la colonisation française. L'image éveille chez le garçon un fort désir d'être comme Bouddha, d'être calme, paisible pour aider ceux qui l'entourent.

Le maître zen Thich Nhat Hanh avait 16 ans à Hue, après la réception du baptême bouddhique. Photo : Village des Pruniers

Lorsque le maître zen avait 12 ans, son frère a reçu le baptême bouddhique. À cette époque, il n’était pas facile pour ses parents d'accepter ce choix, sachant que la vie monastique pouvait être très difficile. Finalement, ses parents ont accepté ce souhait et il a suivi son frère pour étudier au temple Tu Hieu. 

En 1949, Xuan Bao et ses deux amis ont quitté Hue pour poursuivre leurs études à Saigon. Ces jeunes moines étaient activement engagés dans le mouvement de renouvellement du bouddhisme vietnamien. Le maître zen a pris le nom de Nhat Hanh (action unique). À partir de ce jour, il était connu sous le nom légal de Thich Nhat Hanh.

En 1950, Thich Nhat Hanh et le maître Tri Huu ont fondé la pagode An Quang, aux toits de chaume et aux murs de terre. Plus tard, la pagode est devenue l'école bouddhiste Nam Viet - un institut bouddhiste à l'esprit novateur. La même année, il a publié son premier livre sur les études bouddhiques. En octobre 1951, il est devenu bhikkhu à l'âge de 25 ans, à la pagode An Quang à Saigon. Fin 1952, à Da Lat, les deux frères ont fondé le lycée et l'école primaire Tue Quang, la première école bouddhiste privée en charge des moines. 

Le maître zen Thich Nhat Hanh enseigne aux enfants à lire et à écrire avec une chanson sur les bodhisattvas, 1964. Photo : Village des Pruniers

Le maître zen Thich Nhat Hanh a combiné sa connaissance de nombreuses écoles de méditation avec des méthodes de la tradition bouddhiste Theravada, des idées de la tradition Mahayana et un certain nombre de découvertes psychologiques d'études occidentales contemporaines pour former une nouvelle approche de la méditation.

C'est lui qui a introduit le concept de « bouddhisme engagé » dans le livre « Vietnam : Lotus dans une mer de feu ». Dans une interview avec le journaliste John Malkin il y a près de deux décennies, le maître zen Thich Nhat Hanh expliquait à propos du bouddhisme engagé : « Lorsqu'une bombe frappe des êtres sensibles, vous ne pouvez pas vous asseoir dans un monastère. La méditation est la prise de conscience de ce qui se passe, pas seulement à l'intérieur mais autour de votre corps et de vos émotions. »

« Le bouddhisme a à voir avec la vie quotidienne, avec la douleur de vous et de ceux qui vous entourent », a-t-il déclaré au journaliste John Malkin.

En 1956, Thich Nhat Hanh est devenu le rédacteur en chef du bouddhisme vietnamien. Dans les années 1960, il a fondé l'École de la jeunesse et du service social (SYSS), une association caritative aidé à construire des écoles, des cliniques et à aider les familles sans abri.

Il est également l'un des fondateurs de l'Université Van Hanh, une prestigieuse école privée qui concentre de nombreux chercheurs sur le bouddhisme, la culture et la langue vietnamienne. Lors d'une réunion en avril 1965, le syndicat étudiant de l'Université Van Hanh a lancé un « appel à la paix », proposant des solutions pour mettre fin à la guerre au Vietnam.

Le maître zen Thich Nhat Hanh s'est rendu à plusieurs reprises aux États-Unis pour étudier et donner des conférences à l'Université de Princeton et à l'Université de Cornell. Plus tard, il a rejoint la faculté de l'Université de Columbia. Le but principal de ses voyages à l'étranger était de « s'engager » dans une campagne pour la paix.

Le maître zen a rencontré Martin Luther King, un militant des droits civiques afro-américain, en 1966. Photo : Sweeping Zen

En juin 1965, Thich Nhat Hanh écrivit une lettre au célèbre activiste américain Martin Luther King Jr. pour l'appeler à s'opposer ouvertement à la guerre du Vietnam. Un an plus tard, les deux se sont rencontrés pour la première fois à Chicago, discutant de paix, de liberté et de communauté. Lors de la conférence de presse qui a suivi, King s'est fermement opposé à la guerre du Vietnam. 

En 1966, il a fondé l'Ordre de Tiep Hien, en français l’ordre de l’interêtre, et a établi de nombreux centres de pratique et monastères à travers le monde. Il est à l'étranger depuis la signature de l'accord de Paris en 1973, vivant principalement au monastère du Village des Pruniers, dans la région de la Dordogne, dans le sud de la France.

>> En savoir plus: Le Village des Pruniers en France

En tant que l'un des grands maîtres du bouddhisme en Occident, les enseignements et les méthodes du maître zen Thich Nhat Hanh attirent l'attention de nombreuses personnes aux opinions religieuses, spirituelles et politiques différentes. Il propose la pratique de la pleine conscience adaptée à la perception occidentale. Il croit que cette pratique aide à reconnaître la douleur et la souffrance et à les transformer.

En introduisant le bouddhisme, en particulier la pleine conscience, dans la société occidentale, le maître zen a contribué à construire une communauté de « bouddhisme engagé » pour le 21e siècle avec près de 1.250 disciples et des millions de retraitants et de lecteurs sur les cinq continents.

Il a écrit plus de 120 livres, dont plus de 40 en anglais, avec des œuvres remarquables telles que Feuilles odorantes de palmiers, La Terre est ma demeure, L’esprit d’amour…

Le maître zen a également organisé des retraites de méditation pour de nombreux Israéliens et Palestiniens, les encourageant à s'écouter et à apprendre les uns des autres en trouvant des solutions pacifiques aux conflits. En 2005, il a organisé une marche pour la paix à Los Angeles avec la participation de milliers de personnes.

En mai 2013, lors d'une conférence de trois heures dans un stade en Corée du Sud, le maître zen a discuté des relations entre la Corée du Nord et la Corée du Sud. « Les armes nucléaires sont un obstacle aux bonnes relations entre les deux Corées. Cela reflète la peur, la colère et la méfiance de la Corée du Nord, car sinon, elle n'aurait pas construit d'armes nucléaires. Pour la paix, ce n’est pas de se débarrasser ces armes nucléaires, mais il faut éliminer la peur, la colère et le doute de chacun. Ainsi, la réconciliation deviendra facile. »

Après plus de quatre décennies loin de sa ville natale, il est retourné au Vietnam pour la première fois en 2005 et en 2007, il a voyagé à travers le pays, organisant des retraites, des entretiens sur le Dharma et rencontrant des moines et des nonnes bouddhistes. Début 2007, il a organisé trois grandes cérémonies sacrificielles dans trois régions du Vietnam visant à libérer des souffrances injustes pour ceux qui avaient subi les conséquences de la guerre.

Maître Zen Thich Nhat Hanh

Lors de la Journée du Vesak des Nations Unies à Hanoï, il a été invité au Vietnam en tant que conférencier principal.

En octobre 2018, le maître zen Thich Nhat Hanh est revenu de Thaïlande au temple Tu Hieu pour y vivre jusqu'à sa mort.

>> En savoir plus: La pagode de Tu Hiêu - Hue

Avec des activités tout au long de sa vie, il est devenu le deuxième dirigeant bouddhiste le plus influent d'Occident, derrière le Dalaï Lama, a évalué l'AP dans un article de 2009.

Fin 2012, le Huffington Post qualifiait le maître zen Thich Nhat Hanh de « personne la plus calme du monde ».

Le maître zen Thich Nhat Hanh est décédé au temple Tu Hieu, arrondissement de Thuy Xuan, ville de Hue, à 0h00 le 22 janvier, à l'âge de 95 ans. L’entrée du cercueil a eu lieu à 8h00 le 23; la cérémonie de crémation à 7 h le 29 janvier. Les funérailles dureront 7 jours sous la forme d'une retraite silencieuse.